15h30, aujourd'hui, métro Abbesses à Paris, ligne 2. Je suis avec mes deux enfants : ils ont 7 et 2 ans et demi. Tous deux sont assis sur les sièges le long du quai. Je suis en face d'eux. Assise à la gauche de ma fille, une dame, la cinquantaine, type européen.
Soudain, la dame se met à sermonner méchamment ma fille. J'interviens en lui demandant ce qu'il se passe. Elle se plaint que ma fille lui ait touché sa jambe en bougeant ses pieds. Je n'ai rien vu de tel. Je lui dis qu'elle n'a pas le droit de lui parler de cette manière.
Elle s'emporte, enlève le masque qu'elle portait sur son visage, se lève, dit qu'elle s'occupe d'enfants et qu'elle sait ce qu'elle fait, puis crie : "De toute façon, le gens comme vous, on n'en veut pas".
Vous allez me dire :"Pfff encore un propos raciste comme on n'en entend des milliers tous les jours". Vrai. A la différence près que mes enfants sont à mes côtés cette fois-ci et que le "les gens comme vous" leur était aussi adressé. Et c'est hors de question de laisser passer.
Donc je prends mon téléphone et je compose le 17. J'attends un peu mais pas tellement longtemps. J'explique ce qui est arrivé. On me demande de décrire la dame : grande,type européen, pull blanc, pantalon marron, chaussures marrons, cheveux courts poivre et sel, des lunettes.
Oui, j'appelle le 17. Parce quil est hors de question que j'accepte de subir des propos racistes sur un quai de métro. Qu'il est hors de question que mes enfants aient à subir cela. Et qu'hormis la police, je ne vois pas vers qui me tourner. Le racisme est un délit. Point barre.
La police ne minimise pas mon appel. Et déjà rien que pour cela merci. Vous me direz : 'ils font leur travail'. Mais je craignais vraiment qu'on me dise ne pas avoir le temps de traiter mon appel.
Soudain, un métro arrive. Elle feinte d'entrer dans la rame puis reste sur le quai, puis entre vraiment dans la rame. Je la suis, mes enfants avec moi. Elle me bouscule. Puis, elle ressort un instant après. Nous faisons de même.
Là je lui dis :" Madame, je ne vais pas vous lâcher jusqu'à ce que la police arrive. S'il faut que je vous colle aux basques pour que vous assumiez les horreurs que vous avez exprimées devant mes enfants, je le ferais".
Elle dit qu'elle appelle elle aussi quelqu'un qu'elle connait qui est avocat. Là, sur le quai, un monsieur arrive. Il me demande ce qui se passe. Je lui raconte. Il est désolé. Un autre métro arrive. Elle entre dans le métro. J'entre également. Le monsieur aussi.
Le monsieur prend ma défense. Je suis à deux doigts de chialer. C'est bête n'est ce pas ? Mais c'est très rare des personnes qui osent intervenir dans l'espace public parisien. En général, c'est souvent l'indifférence.
Il dit très fort dans la rame pour que tout le monde entende bien :" Et bien madame, allez-y dites tout haut ce que vous avez dit à cette femme et ses enfants ? Assumez vos propos racistes devant tous ces passagers !" La dame ne dit rien. Quel bien fou ce soutien
J'ai toujours la police en attente au téléphone. Je lui dis :" merci infiniment". Il me répond :"Ne me remerciez pas. Je ne supporte pas le racisme. On ne doit pas accepter ça".
La dame descend deux stations plus tard, à Saint-Georges (métro ligne 12 et pas 2). Je ne la lâche pas. Nous descendons aussi. Le monsieur également. La police dit qu'elle arrive. Je suis rassurée. La dame s'assoit sur le quai. Nous attendons à côté.
Elle est au téléphone avec son père. Il demande à me parler, je refuse. Il demande à parler au monsieur qui accepte. Il dit que c'est inutile de mêler la police à cela (bah voyons), que sa fille a des problèmes de santé qui fait qu'elle sur-réagit (bah voyons bis).
La cheffe de gare arrive, une première fois pour nous dire que la police va arriver, une deuxième pour nous annoncer que finalement elle ne viendra pas, prise dans d'autres urgences.
Elle me proposé d'aller porter plainte. Évidemment, la dame en question n'acceptera pas de venir. Comment être certaine qu'elle sera retrouvée ? Je crains de perdre mon temps pour rien.
Je dis alors à la femme :"Moi aussi j'ai bien mieux à faire ce samedi après-midi. Si je fais tout ça c'est pour que jamais mes enfants n'acceptent de leur vie de se faire insulter avec des propos racistes comme ceux que vous avez osé leur dire".
Je lui demande alors de présenter formellement ses excuses à mes enfants devant les deux témoins : le monsieur qui nous a soutenus et la cheffe de gare.
Voici ce qu'elle leur a dit. J'ai enregistré la scène en filmant au niveau du sol. Même ses excuses, qui n'en sont pas, sont minables et pas à la hauteur mais au moins, elle a dû regarder mes enfants dans les yeux.
Très grand merci à Alexandre, qui nous a soutenus dans la rame et sur le quai, bénévole à
@Utopia_56
♥️ En plus, il s'est occupé de mes enfants en feuilletant avec eux leur livre (quelle patience) ratant son RDV pour nous. Un grand merci aussi à la cheffe de gare à Saint-Georges.
Merci infiniment pour vos mots qui font chaud au coeur. Et non, on ne lâche rien même si on est fatigué...
Et comme dit
@Sarah__Ndj
reprenant la sagesse de mon fils :
#AuCoinLesRacistes
😂